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Haïti en crise : L'appel à la démocratie dans une spirale de violence et de chaos

Elliot Deslauriers, Bertille Trierweiler, Sandrine Boies



Haïti, un petit pays des Caraïbes et l'une des nations les plus défavorisées au monde, est actuellement plongé dans une spirale croissante de violences et de chaos depuis le 28 février. Cette détérioration de la situation a atteint un point critique, comme l'a souligné Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, qui a récemment appelé la communauté internationale à intervenir rapidement pour éviter une aggravation de la crise. Face à cette situation alarmante, il est crucial de comprendre comment cette insurrection s'est propagée à travers l'île et quelles en sont les causes profondes.

 

Une nation déchirée : chaos, gangs et instabilité politique

Le 28 février, le premier ministre Ariel Henry, au pouvoir depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021, annonce un report des élections présidentielles à août 2025. Cette nouvelle met le feu aux poudres, et ce, pour plusieurs raisons. Ariel Henry était censé être à la tête d’Haïti seulement par intérim. Il n’a donc jamais été élu. De plus, le pays n’a pas connu d’élections depuis sept ans et plusieurs considèrent le gouvernement comme illégitime.

 

En réaction, le plus grand chef de gang Jimmy Chérizier, plus connu sous le nom de « Barbecue », a menacé le pays d’une guerre civile voire d’un génocide. Depuis, Haïti connaît une véritable recrudescence des violences.

 

Dans la nuit du 2 au 3 mars, la capitale, Port-au-Prince a été prise d’assaut par les gangs et est contrôlée à 80% par 23 grandes bandes criminelles. La prison centrale a été touchée et 4000 détenus se sont évadés, envahissant l’île et menaçant les habitants. L’aéroport international a aussi été fermé, ce qui coupe Haïti du reste du monde.

 

Le 6 mars, Matthew Miller, porte-parole du gouvernement d’État américain, « exhorte » à une transition du pouvoir démocratique et à la tenue d’élections « libres et équitables ».  

 

Le 11 mars, le premier ministre démissionne, laissant le pouvoir vacant et donc le champ libre aux gangs. En effet, Ariel Henry, en visite diplomatique au Kenya, s’était trouvé bloqué à Porto Rico, l’aéroport de l’île étant fermé.  Rappelons aussi que depuis janvier, le pays ne compte plus aucun député.

 

Ce vide démocratique donne la mainmise aux gangs et la possibilité à « Barbecue » de s’ériger en sauveur du peuple haïtien et révolutionnaire pour le bien de son île. Véritable paradoxe, car il est l’instigateur du chaos qui touche Haïti depuis un peu moins d’un mois.

 

Pour tenter de résoudre cette crise, un plan de transition présidentielle a été annoncé. Cependant, ce plan est rapidement menacé alors que des désaccords surgissent parmi les partis politiques chargés de former les autorités provisoires. Le conseil présidentiel de transition, conçu pour ramener un semblant de stabilité dans le pays ravagé par les gangs, est au cœur de ces pourparlers. Cependant, la déclaration de « Barbecue », chef d'une bande armée, affirmant son intention de continuer la lutte pour la libération d'Haïti, complique la situation.

 

Lors d'une réunion d'urgence en Jamaïque, la CARICOM (communauté des Caraïbes), l'ONU et plusieurs pays dont le Canada et les États-Unis ont appelé les formations haïtiennes à former ce conseil. Il est prévu que ce groupe soit composé de sept membres représentant les forces politiques et le secteur privé, avec deux observateurs de la société civile et religieuse.

 

Une violence aux racines historiques profondes

La montée des gangs et des violences en Haïti ne date pas d’hier. Elle découle d'une série d'événements politiques tumultueux. Après l'accession au pouvoir de Jean-Bertrand Aristide en 1991, un coup d'État orchestré par le général Cédras a déclenché la formation de milices privées et groupes paramilitaires d’extrême droite, comme le Front pour l’Avancement et le Progrès Haïtien (FRAPH), engendrant chaos et terreur. Même après le départ d'Aristide, les groupes armés ont continué à semer la violence, renforçant un sentiment général d'insécurité.

 

Puis, en 2010, un séisme dévastateur a provoqué une évasion massive de prisonniers et le surgissement de nouveaux groupes armés. Profitant du chaos, les gangs ont consolidé leur pouvoir et défié l'autorité de l'État. La police, dépassée, n'a pu maintenir l'ordre, laissant les citoyens exposés aux attaques criminelles.

 

C’est en 2020 que la formation du G9, une coalition des neuf gangs les plus puissants de Port-au-Prince, a marqué un tournant des plus radicaux dans la montée de la violence. Cette alliance a accru la puissance des gangs, les transformant en véritables autorités de facto dans certaines parties du pays. Ils ont imposé des couvre-feux stricts, contrôlé l'accès aux services essentiels et chassé des milliers de personnes de chez elles.

 

Malgré les tentatives de la communauté internationale pour restaurer la stabilité en Haïti, notamment par le biais de missions de maintien de la paix, la situation continue de se détériorer. Les gangs comme le G9 exercent une influence croissante sur la politique et l'économie du pays, sapant les efforts de reconstruction et plongeant la population dans un cycle de violence et de désespoir.

 

Une population locale ravagée

Les violences des gangs ont des conséquences profondes et dévastatrices sur la population haïtienne, alors qu’un rapport de l’ONU de novembre 2023 rapporte 4789 assassinats et 2490 kidnappings. La dégradation de la situation sécuritaire a forcé plus de 360 000 personnes à fuir leur domicile selon le point de presse de l’ONU du 12 mars 2024. L’aide humanitaire sur place, notamment Médecins sans Frontières, alerte de la situation préoccupante. L’omniprésence des gangs entrave les opérations humanitaires et l'acheminement de l'aide aux près de 6 millions d’Haïtiens dans le besoin, selon l'ONU. Les organisations sont confrontées à des défis majeurs pour fournir une assistance médicale, alimentaire et abriter les personnes déplacées.

 

En outre, ces violences ont également un impact dévastateur sur l'économie et les infrastructures du pays. Les entreprises sont contraintes de fermer en raison de l'insécurité, ce qui aggrave le chômage et la pauvreté. Les infrastructures essentielles, telles que les hôpitaux et les marchés, sont contrôlées par les gangs, limitant l'accès des citoyens à des services vitaux.

 

Dans l'ensemble, les conséquences de la montée des gangs et des violences en Haïti sont désastreuses, mettant en péril la vie et le bien-être de millions de citoyens et entravant les efforts de reconstruction et de développement du pays.

 

Échapper à la destruction

Haïti se trouve à un tournant critique de son histoire, confrontée à une escalade de violences et de chaos qui menace de déchirer davantage le tissu social déjà fragile du pays. Une transition démocratique et des élections libres et équitables sont impératives alors que la violence des gangs bat son plein et que les organisations humanitaires peinent à maintenir leur engagement sur le terrain.

 

Pour Haïti, la voie vers la paix et la stabilité sera longue et ardue. Mais il est essentiel que la communauté mondiale reste engagée et soutienne les efforts visant à restaurer l'ordre et la démocratie dans cette nation déchirée. L'avenir d'Haïti ne concerne pas seulement ses habitants, mais bien toute la communauté internationale, qui doit se tenir aux côtés du peuple haïtien dans sa quête de justice, de dignité et de prospérité.


L'équipe Politique

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