Elliot Deslauriers, Gabrielle Géli, Yohan Comeau
La flamme olympique, symbole d’unité entre les peuples, vacille toujours depuis le report des Jeux olympiques de Tokyo. En effet, la covid-19 a été un enjeu important durant les derniers Jeux d’été et d’hiver, causant une baisse d’intérêt de la part des spectateurs. Maintenant que la pandémie est un facteur de second degré, les Jeux d’été de Paris veulent agir comme vent de fraicheur dans le circuit olympien. En introduisant de nouvelles disciplines et en organisant une cérémonie d'ouverture aquatique sur la Seine, ainsi qu'un événement de surf à Tahiti situé à plus de 15 000 kilomètres de la ville hôte, le comité d’organisation ne manquait pas d’ambition.
Cette ambition se voit tout de même frappée par une vague de problèmes logistiques et de controverses. Au-delà des polémiques récurrentes à propos de la participation d’athlètes venant de pays aux pratiques moins louables, le comité d’organisation a dû gérer plusieurs crises de relations publiques. Plusieurs chantiers de construction partiellement alimentés par le travail d’une centaine d’immigrants sans papier dans des conditions douteuses sont en retard et causent des excédents budgétaires. Les efforts remarquables pour assurer la sécurité des nageurs et nageuses olympiques en rendant la Seine sanitaire font référence à la pollution intense accumulée au cours du dernier siècle dans la rivière. Le comité s’est également vu forcé à changer ses plans pour la tour des juges de l’épreuve de surf, à la suite d’un accident lors de la construction ayant causé l’endommagement du récif corallien polynésien. La trente-troisième olympiade semble tellement attirer la controverse que même la forme de ses mascottes fût ironiquement moquée par les internautes.
Aux yeux des diplomates et politicien·nes français·es, cette vague de controverse en vaut tout de même la chandelle. En effet, celleux-ci voient les Jeux comme une occasion de redorer l’image publique de la République française sur la scène internationale. Depuis les premiers Jeux olympiques antiques, le rassemblement sportif a été utilisé par les états participants pour établir leur poids diplomatique sur les autres. Ce concept de diplomatie sportive est de plus en plus critiqué par les médias, et est maintenant connu par la plupart sous le terme Sportswashing.
Dans l’histoire moderne, les Jeux olympiques de 1936 à Berlin sont considérés comme le premier exemple flagrant de Sportswashing. Alors que le troisième Reich allemand avait déjà commencé son régime antisémite et les atrocités qui lui sont associées, le gouvernement d’Hitler voyait les Jeux comme une opportunité pour donner du prestige international à l’Allemagne. Selon les ordres d’Adolf Hitler, un stade plus grand que celui des Jeux de Los Angeles de 1932, s’inspirant de l’architecture romaine, fut construit pour l’événement. Des films de propagande ont également été produits durant les Jeux et distribués internationalement par la suite. Bien que l’effet ne fût que temporaire, l’événement international a radouci l’image publique du gouvernement national-socialiste.
Depuis, plusieurs gouvernements ont utilisé les Jeux olympiques comme voile pour déguiser leurs activités douteuses. En 2014, la Russie a profité des Jeux olympiques de Sochi pour augmenter ses activités en Crimée, jusqu’à l’annexer seulement quelques semaines après l’évanouissement de la flamme olympique. Le gouvernement chinois s’est également servi des Jeux d’hiver de Pékin en 2022 pour améliorer son image suite aux élections truquées par celui-ci à Hong Kong ainsi que plusieurs polémiques regardant les droits de la personne.
La diplomatie sportive est donc un outil primordial pour la France, qui souffre elle-même de certains problèmes internes. En effet, le 13 septembre 2017, la Ville lumière fut élue comme celle qui accueillerait les Jeux olympiques de 2024. Une crise sanitaire, un nouveau gouvernement élu, et de nombreuses manifestations aux quatre coins du pays, la situation est critique.
Du point de vue économique, la guerre en Ukraine a secoué les plans du comité organisateur et a fait grimper la facture de construction des ouvrages olympiques français. Sans oublier que de nombreux habitants de la capitale verront leur quotidien chamboulé par une augmentation drastique des prix. Par exemple, celui des transports en commun qui passera de 2.10 euros à 4 euros du 20 juillet au 8 septembre. Cette hausse est justifiée par l’augmentation du trafic de trains nécessaire pour transporter les 10 millions de touristes attendus. Bien que les habitants de l’Île-de-France conserveront leur tarif régulier, tous les autres français seront impactés par cette hausse de prix. De plus, le coût des produits de première nécessité ainsi que des chambres d’hôtel augmentera considérablement (augmentation de 314% déjà observée pour les chambres d’hôtel). La ville de Paris a déjà mis en place un système d’amendes et de contrôles des prix des hôtels pour que les Français comme les touristes en aient pour leur argent. Néanmoins, surveiller le prix des produits de consommation sera une tâche bien plus difficile.
Au niveau politique, la France possède 81 des 720 sièges au parlement européen qui devront être remplis aux prochaines élections de juin 2024 peu avant les JO. Les élections européennes sont donc l’opportunité pour les futurs candidats aux présidentielles de sonder le peuple français et de placer de nouveau la France au centre de l’attention. De plus, les Jeux olympiques représentent aussi un grand défi pour le tout nouveau gouvernement mené par Gabriel Attal : les JO sont un défi pour la sécurité publique, et le premier ministre a déjà rendu visite à plusieurs parties prenantes comme des commissariats ou des syndicats de police. Ces derniers estiment que la prime prévue lors des Jeux pour les policiers mobilisés (500 euros) n’est pas suffisante en cas d’engagement exceptionnel. Finalement, le comité organisateur a comme ambition de produire des Jeux olympiques qui émettront deux fois moins de gaz à effet de serre que les éditions précédentes de Londres et Rio et de montrer l’engagement de la France dans la lutte contre la crise climatique et avec l’accord sur le climat signé dans la même ville de Paris en 2015. C’est un projet ambitieux qui, si réussi, montrerait la capacité de la France à innover et s’adapter lors d’un événement au modèle d’affaires souvent remis en question pour son impact écologique.
Sur l’aspect social des Jeux olympiques, les tensions risquent d’être palpables entre les athlètes ukrainiens, russes et bélarusses qui devront compétitionner côte à côte (en individuel et sous bannière neutre pour les Russes et Bélarusses). Du côté des Français, il sera intéressant de surveiller l’évolution de la colère agricole. En dehors de la capitale, les agriculteurs français menacent de provoquer de nouveaux barrages et manifestations et revendiquent une revalorisation salariale et de leur métier ainsi qu’une simplification de nombreuses normes européennes handicapantes.
Bref, il sera très intéressant de surveiller l’évolution de ces nombreux enjeux qui auront assurément un impact sur la réussite ou l’échec des Jeux olympiques de Paris 2024. Une chose est certaine, la route jusqu’à la cérémonie d’ouverture s’annonce parsemée d’embuches.
L'équipe Politique