Le marché de l’immobilier a été grandement ébranlé au Québec dans les derniers trimestres. Plusieurs facteurs économiques peuvent alimenter ce manque de régularité ; notamment, l’inflation, l’IPC, les taux d’intérêt et le financement hypothécaire. Tout d’abord, on parle d’inflation lorsque l’on perçoit une augmentation globale des prix. C’est-à-dire, que l’indice des prix à la consommation (IPC) global sur douze mois dépasse les 2 % visés par la Banque du Canada. Ensuite, dans un effort pour ramener le taux d’inflation à la normale, la Banque du Canada émet une hausse du taux directeur. Le taux cible du financement à un jour, couramment appelé taux directeur, est l’outil principal de la Banque du Canada lorsqu’il devient impératif de modifier le taux d’inflation. Toujours est-il qu’une hausse du taux directeur n’est jamais une bonne nouvelle pour le marché immobilier, car elle entraîne inévitablement une hausse des taux d’intérêt proposés aux emprunteurs par les banques. En effet, une hausse des taux d’intérêt donne généralement lieu à une diminution de la demande d’achat, ce qui entraîne une diminution du prix des biens — des actifs immobiliers. De même, les ménages voient leur pouvoir d’achat diminué et leur taux d’emprunt augmenter, faisant que la plupart sont plus réticents à payer leur crédit immobilier ; compromettant une grande partie de leur budget au paiement de leur hypothèque et/ou loyer. D’autant plus, en raison de la forte demande qui surpasse l’offre dans le marché, nous faisons présentement face à un phénomène d’inflation persistante. Ceci est démontré par le taux d’inflation qui est passé de 6,8 % en novembre 2022 à 3,8 % en septembre 2023 et qui est toujours bien plus haut que la cible de 2 %. Avec des taux d’intérêt élevés et des prix qui ne cessent de croître, les propriétaires et les investisseurs ont raison de craindre pour le futur du marché de l’immobilier.
Le consommateur
L'ère post-pandémique a été témoin d'une augmentation significative des taux hypothécaires. Le début des années 2020, largement défini par la pandémie de COVID-19, a vu des perturbations économiques mondiales qui ont contraint les banques centrales, y compris celle du Canada, à réduire les taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas pour atténuer la récession économique. Le taux préférentiel de la Banque du Canada a plongé à un niveau sans précédent de 2,45%, en concordance avec une chute du taux hypothécaire fixe sur 5 ans.
Néanmoins, alors que l'inflation s'est intensifiée, devenant une préoccupation de plus en plus marquée, la Banque du Canada a mis en œuvre des augmentations de taux pour atténuer les pressions inflationnistes, propulsant les taux hypothécaires à des sommets non observés depuis plus d'une décennie
La logique conventionnelle suggère qu'avec l'escalade des taux hypothécaires, la demande de logements devrait se modérer, entraînant une baisse des prix des maisons. Pourtant, paradoxalement, les prix des logements non seulement se sont maintenus, mais, dans certaines régions, ont continué à augmenter légèrement. Cette tendance contre-intuitive peut être attribuée à plusieurs facteurs :
1. Contraintes de l'offre
2. Demande inélastique
3. Réponse différée 4. L'immobilier en tant qu'investissement
Au Québec, en particulier à Montréal, la dynamique du marché immobilier a considérablement évolué. Historiquement alimentées par des améliorations domestiques, des investisseurs étrangers, des immigrants professionnels récents et des migrants interprovinciaux recherchant des opportunités dans l'économie dynamique de Montréal, ces démographies ont alimenté la demande dans le secteur de la propriété résidentielle.
De plus, le marché locatif a également été soumis à une pression à la hausse. Récemment, les coûts de location pour divers types de logements à Montréal ont connu des augmentations. Le loyer moyen pour un studio a augmenté de 1% à 1 360 $, un appartement de deux chambres de 4% à 2 199 $ (Zumper 2023). Ces tendances à la hausse dans le domaine locatif reflètent l'environnement inflationniste plus large et peuvent également indiquer un marché locatif aux prises avec ses propres déséquilibres offre-demande.
Immobilier commercial
Le secteur de l’immobilier commercial s’est transformé au cours des dernières années. Durant la pandémie de COVID-19, plusieurs immeubles comme les bureaux et les centres commerciaux ont subi un choc inattendu tandis que les immeubles industriels et les immeubles de commerce de détail qui offrent des services essentiels n’ont pas été impactés. Les immeubles industriels qui sont occupés majoritairement par des fournisseurs de services logistiques et des entreprises de commerce électronique continuent de susciter une demande soutenue qui reste forte malgré un taux de disponibilité historiquement bas, soit de 1,6 %.
Le mode de travail hybride signifie une réduction de la présence des employés au bureau. Selon Avison Young, le taux de disponibilité des bureaux au centre-ville est passé de 16,7 % l’an dernier à 18 % au premier trimestre de 2023 et il pourrait grimper à 25 % d’ici 2025. Face à cette nouvelle réalité, les propriétaires d’immeubles sont contraints de s’adapter. Un exemple concret est celui d’un immeuble de bureaux inoccupé de 21 étages situés sur Sherbrooke West qui a été vendu pour 50 millions afin d’être transformé en logements résidentiels. La plupart des locataires de bureaux qui renouvèlent leur bail réduisent en moyenne leur espace de travail de 10 % à 20 %. Il est donc probable d’observer une grande quantité d’immeubles commerciaux se transformer en logement au courant des prochaines années.
Nouvelle construction
En ce qui a trait à la demande et au coût de la construction résidentielle au Québec, ceux-ci se sont vu croitre en flèche dans les dernières années. En effet, à la demande pour de nouveaux logements, le Québec a accueilli au cours de l’année 2022 un nombre record d’immigrants permanents et non permanents, soit un total de 146 400 personnes. Bien que le Canada ait agi de manière semblable au Québec, la belle province se trouve à avoir accueilli 57% des demandeurs d’asile du pays, 16% des travailleurs à temps partiel et 12% des étudiants étrangers. Cela a provoqué une hausse de la demande pour se loger et s’en est suivi une hausse des prix de logement dans les grandes villes. Toujours en 2022, il coûtait en juin 16,9% plus cher pour faire construire un bâtiment industriel et Canada qu’à l’année précédente selon l’ACQ. Pour les mêmes dates, Montréal a vu accroitre son coût de construction d’infrastructures résidentielles élargir de 18,4%. C’est pourtant moins que la moyenne canadienne qui a augmenté de 22,4% encore selon l’ACQ. Cela permet d’insinuer que le coût de la main-d’œuvre est moins important chez nous qu’ailleurs au pays. Et pourtant, le coût moyen pour un entrepreneur à Montréal est passé de 50,77$ par heure en 2018 à 64$ par heures en 2023; représentant une augmentation de 26%.
Davantage, la pénurie de main-d’œuvre affecte aussi négativement les investissements immobiliers par le manque de main-d’œuvre qualifiée pour œuvrer dans les divers projets de construction. Pour pallier cela, le gouvernement Legault a mis en place un programme de formation en Diplôme d’Étude Professionnel et en Attestation d’Étude Professionnel qui sera accéléré pour certains métiers en construction tels les charpentiers-menuisiers, les ferblantiers, les frigoristes et les opérateurs d’équipements lourds.
L'équipe Économie Mondiale,
Olivier Laguë, Roy Cheng, Matis Patenaude, Gabriel Veilleux, Frederick Debs, Adrien Darbes