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La Russie porte son taux directeur à 21 %, un niveau inédit depuis des décennies

Une politique monétaire sous pression

Le 25 octobre 2024, la Banque centrale russe (BCR) a relevé son taux directeur à 21 %, soit une hausse de 200 points de base, atteignant un niveau inédit depuis 2003. Cette augmentation significative vise à contrôler l'inflation et à restaurer la crédibilité de sa politique monétaire face à une économie en surchauffe, alimentée par l’explosion des commandes militaires. Selon l'explication de la gouverneure Elvira Nabiullina, cet ajustement a pour but d'empêcher un excès de demande intérieure et d'éviter une augmentation incontrôlable des prix. Elle a également indiqué que le taux d’intérêt pourrait continuer à augmenter en décembre si les pressions inflationnistes ne diminuent pas.



Les effets prolongés de la guerre et des sanctions

Depuis près de trois ans, Vladimir Poutine et son gouvernement mènent « l’opération militaire spéciale », une invasion massive de l’Ukraine qui a ravivé la guerre en Europe. Plusieurs centaines de milliers de soldats et de civils ont été tués des deux côtés, et le conflit s’enlise dans la région. En l'absence d'un véritable accord de paix, la situation économique de la Russie devient de plus en plus complexe.


Dans les premiers mois de la guerre, entre février et avril 2022, les marchés russes ont été fortement ébranlés par l’accumulation des sanctions occidentales, ce qui a mené la banque centrale russe à monter son taux directeur à 20 % dans l’urgence de la situation. En effet, ces sanctions visent directement à affaiblir la capacité de financement de la Russie pour la guerre qu’elle mène, et ont permis d’interdire plus de 140 milliards d’euros d’échanges avec l’Union européenne.


Ensuite, une certaine stabilisation des marchés et l’absorption des effets des sanctions ont permis à la banque centrale russe de diminuer son taux d’intérêt pour atteindre une stabilité de 7,5 % de septembre 2022 à juin 2023. Selon plusieurs experts, la Russie se situe depuis dans un cycle de surchauffe où la croissance de son économie est alimentée principalement par l’explosion des commandes militaires. Cette hausse des commandes provient d’une augmentation du budget militaire, qui a drastiquement crû de près de 70 % entre 2023 et 2024, soutenue par un budget fédéral ayant progressé de près de 50 % depuis 2021.



Une dépendance risquée au secteur militaire

Malgré les sanctions internationales, ces milliards de dollars ont apporté un soutien financier aux militaires, aux familles et aux entreprises du domaine militaire. Néanmoins, cette hausse des dépenses de l'État a un impact significatif sur l'inflation. En septembre 2024, celle-ci a atteint une valeur de 8,6 %, nettement supérieure au but de 4 % établi par la Banque de Russie. Cette hausse des prix est aussi stimulée par une pénurie de main-d’œuvre due aux nombreuses embauches militaires, qui ont fait chuter le taux de chômage à un niveau historiquement bas de 2,4 % en août 2024, ce qui contraint les entreprises à augmenter leurs salaires pour attirer du personnel.


La forte dépendance de l’économie russe vis-à-vis du secteur de la défense, combinée à une inflation élevée et à des taux d’intérêt qui freinent les autres secteurs économiques, pourrait mener à une situation de stagflation, c’est-à-dire une combinaison néfaste de faible croissance et de forte inflation. Par conséquent, malgré la résilience de l'économie, les perspectives à long terme restent incertaines. 



Fatine Moumni, Olivier Rodier et l'équipe Économie Mondiale

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