Matis Patenaude, Adel Benferhat, Olivier Rodier
La Suisse ouvre le bal
Le 21 mars 2024, la Banque Nationale suisse (BNS) a abaissé son taux directeur de 0,25 %, le faisant passer de 1,75 % à 1,5 %. Avec cette diminution d’un quart de point, elle se distingue comme étant la première banque des pays occidentaux à baisser son taux. Cette décision devrait être suivie par plusieurs autres banques qui prévoient des baisses de taux directeurs dans les prochains mois.
Depuis 2022, la Banque Nationale suisse a augmenté à plusieurs reprises son taux directeur pour lutter contre l’inflation post-COVID, avant de mettre fin aux augmentations en septembre. En effet, l’inflation en Suisse, qui se situe actuellement à 1,2 %, est passée sous la barre des 2 % en mi-2023, ce qui était l’objectif de la BNS suite à ces hausses de taux directeurs. De plus, la banque a prévu une inflation de 1,4 % pour 2024, de 1,2 % pour 2025, ainsi qu’une croissance de son PIB de 1 % en 2024, ce qui constitue d’excellents indicateurs de stabilité économique pour le pays. Par conséquent, la BNS était prête pour sa première baisse de son taux directeur.
Cependant, cette baisse a surpris plusieurs analystes. Selon le média suisse AWP, qui a interrogé neuf économistes, sept d’entre eux prévoyaient que le taux resterait le même. En effet, les experts pensaient que la Banque centrale européenne (BCE) baisserait son taux en premier, puis la BNS suivrait. Cependant, la BCE stagne ; elle attend d’avoir plus de données, car elle craint une hausse des prix à la suite de la baisse de son taux, ce qui la forcerait à augmenter son taux de nouveau. La BNS estime que ce risque est moindre en Suisse et qu’elle était prête pour sa première baisse de taux, contrairement à la BCE.
Ce que cela signifie pour le reste de l’Europe
Suite à la décision de la BNS, les marchés ont réagi vivement en pariant sur des baisses de taux imminentes de principales banques centrales telles que la BCE et la BoE. Les marchés monétaires ont ajusté les prix pour refléter une probabilité de 90 % d’une baisse des taux de la BCE d’ici juin, contre moins de 80 % avant l’annonce de la BNS. De même, les attentes de la BoE ont augmenté, représentant environ 70 % de chances d’une baisse en juin, contre moins de 60 % précédemment. Chris Jeffrey, responsable de la stratégie macroéconomique chez Legal & General Investment Management, doute que la Suisse soit perçue comme le centre autour duquel tout le monde gravite, mais il souligne néanmoins que cette décision est importante et peut influencer les autres banques centrales.
Changement des taux d’intérêt par les banques centrales qui supervisent les 10 devises les plus échangées
Suite à cette baisse inattendue, le franc suisse a chuté de près de 2 % par rapport au dollar et près de 1 % par rapport à l’euro en quelques minutes, et il est probable que la monnaie suisse continuera de perdre de la valeur à court terme. Les taux de change jouent un rôle crucial pour la Suisse et d’autres économies ouvertes axées sur le commerce. Une valeur de devise plus faible peut stimuler la croissance économique en rendant les exportations moins coûteuses pour les acheteurs étrangers, notamment dans des secteurs clés comme la machinerie, les produits pharmaceutiques, les montres et les textiles pour la Suisse. Après la Première Guerre mondiale, les pays se sont engagés dans ce qui est devenu connu sous le nom de guerre des devises, dans laquelle ils se sont précipités pour dévaluer leurs monnaies les unes par rapport aux autres afin d’améliorer leur compétitivité. Cette approche du chacun pour soi n’est pas ce qui se passe actuellement — le principal front de bataille reste l’inflation. Mais il pourrait y avoir des échos de cela si les banques centrales commencent à craindre que tarder trop longtemps à réduire les taux d’intérêt puisse rendre leur monnaie trop forte pour la croissance.
Équipe Économie Mondiale,