Elliot Deslauriers, Bertille Trierweiler, Sandrine Boies
Le Sénégal a tout récemment écrit une nouvelle page de son histoire politique lors des dernières élections présidentielles. Malgré quelques secousses, le processus électoral a abouti à un résultat surprenant, laissant entrevoir un avenir prometteur pour la nation ouest-africaine. Les présidentielles de 2024 ont été bien plus qu'un simple choix de leadership : elles ont incarné l'expression de la volonté démocratique d'un peuple et ont offert un espoir revitalisant aux jeunes Africains désenchantés. L'ascension de Bassirou Diomaye Faye, du statut de leader de l'opposition emprisonné à celui de président élu, constitue un tournant décisif dans l'histoire politique du Sénégal, résonnant bien au-delà de ses frontières.
Un bilan mitigé pour l’ancien président, Macky Sall
L’ancien président du Sénégal, après avoir passé douze ans au pouvoir, laisse la place à son successeur, Bassirou Diomaye Faye. Que retenir de ses années au pouvoir ? Les deux mandats de Macky Sall révèlent un bilan en demi-teinte, oscillant entre affirmation économique et effritement démocratique. Les promesses du président en matière économique ont porté leurs fruits. Un point phare de la politique présidentielle fut le lancement en 2012 du Plan Sénégal Émergent (PSE) pour améliorer les conditions de vie précaires des Sénégalais. De ce plan ressortent plusieurs réalisations. Citons la construction de la ville de Diaminadio (destinée à devenir un centre économique à terme), l’extension de chemins de fer ou de routes ou encore une augmentation de la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique (avec des panneaux solaires).
La gestion du président lors de la pandémie du Covid est aussi à souligner, le pays se classe 2e sur 36 pays du classement de Foreign Policy dans la gestion du Covid. Dépistages rapides, couvre-feu, ouverture de lits supplémentaires dans les hôpitaux... stratégie payante, mais coûteuse (investissement de 1000 milliards de francs CFA). La dette publique du Sénégal a bondi entre 2019 et 2022 et les dépenses restent souvent obscures et sans lien avec le Covid. Sur le plan international, Macky Sall a mené une politique diplomatique remarquable avec une relative stabilité pour la région.
Le bilan politique de Macky Sall reste très critiquable avec une démocratie ébranlée et un durcissement. La liberté de la presse et le pluralisme démocratique n’ont pas été épargnés. Macky Sall n’a pas hésité à faire emprisonner ses opposants comme Ousmane Sonko ou Karim Wade et à suspendre des médias critiquant le régime. De grandes et meurtrières manifestations ont enflammé le pays en 2023 et 2024 alors que le scrutin présidentiel était menacé.
Qui succèdera à Macky Sall ?
Dans un climat d’extrême tension, ont eu lieu le 24 mars 2024 les élections présidentielles portant au pouvoir Bassirou Diomaye Faye. Le 3 juillet 2023, Macky Sall renonce à se représenter à la haute magistrature de son pays. Dans un mouvement de transition et de préservation de la démocratie, il laisse le champ libre à ses adversaires.
C’est la première fois dans l’histoire du Sénégal que le président sortant n’est pas candidat. L'élection de 2024 compte également un nombre inédit de candidats, 19, ce qui souligne la pluralité démocratique de cet événement.
L’élection a toutefois subi quelques secousses : en effet, le président sortant avait décidé début février de repousser le scrutin au 15 décembre 2024, décret voté par les députés sénégalais. Initialement, le vote était prévu le 25 février. Mais rebondissement le 15 février, le Conseil Constitutionnel annule le décret, celui-ci n’ayant aucune base légale : le président n’a pas le pouvoir de reporter ou d’annuler un scrutin.
Les Sept Sages du Conseil ont joué un rôle décisif dans la tenue des élections, le camp du président ne pouvant s’opposer à une décision du Conseil suprême du pays. Un soupir de soulagement pour les opposants du président après les nombreuses manifestations meurtrières qui ont embrasé le pays.
Les principaux candidats de cette élection sont l’ancien Premier ministre Amadou Ba (soutenu par le président), Bassirou Diomaye Faye (soutenu par Ousmane Sonko qui n’a pas eu le droit de se présenter), Idrissa Seck ou encore Khalifa Sall, maire de Dakar. Parmi les candidats, on ne compte qu’une femme, Anta Babacar Ngom sans parti politique.
Le 24 mars 2024 se sont donc rendus aux urnes les Sénégalais, portant au pouvoir, au premier tour, Bassirou Diomaye Faye qui est élu pour un mandat de cinq ans. Cette élection aux résultats inédits est porteuse d’espoirs au sein de la population sénégalaise.
Une lueur d’espoir pour la jeunesse sénégalaise
La victoire de Bassirou Diomaye Faye aux élections présidentielles sénégalaises de 2024 représente bien plus qu'un simple changement de leadership. Son parcours, depuis les entraves politiques jusqu'à la plus haute fonction du pays, incarne un récit d'espoir et de rédemption pour la jeunesse africaine. En élevant un dissident politique au poste de président élu, les électeurs ont envoyé un message fort sur leur désir de renouveau politique et leur aspiration à une démocratie plus inclusive. Cette victoire est un témoignage vibrant du pouvoir du suffrage universel à catalyser le changement démocratique et à défier les régimes autoritaires.
Sur le plan régional, l'ascension de Faye offre un contrepoint inspirant à la montée de l'autoritarisme dans certaines parties de l'Afrique, renforçant ainsi la confiance dans la démocratie en tant que voie vers un avenir meilleur. En outre, cette élection marque une réponse résolue aux tactiques antidémocratiques du gouvernement précédent, soulignant la capacité des institutions démocratiques à résister aux pressions et à défendre les valeurs fondamentales de liberté et de justice.
Les enjeux prioritaires du gouvernement Faye
Le nouveau gouvernement dirigé par Faye est confronté à une série de défis et de responsabilités cruciales à la suite des présidentielles au Sénégal. Parmi ces défis immédiats, la reconstruction de l'économie après une période d'incertitude politique est d'une importance capitale. Sous l’ancien gouvernement sénégalais, la dette publique du pays a significativement grimpé, dépassant le seuil de 75% du PIB fixé par l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, ce qui restreint sa flexibilité face aux perturbations économiques immédiates.
Les promesses de Faye en matière de changement systémique nécessitent une vision claire pour l'avenir du pays, mettant l'accent sur le développement économique inclusif, la lutte contre la corruption, l'amélioration de l'accès aux services sociaux de base et la promotion de la gouvernance transparente.
En outre, la question du franc CFA, monnaie utilisée par plusieurs pays africains et symbole de dépendance coloniale, est un enjeu majeur qui exigera une attention particulière de la part du nouveau gouvernement. Faye a clairement indiqué sa volonté de sortir du franc CFA, préférant une réforme monétaire qui permettrait au Sénégal d'intégrer une monnaie unique pour l'ensemble des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou de battre sa propre monnaie si les conditions ne sont pas réunies. Cependant, cette transition nécessitera une planification minutieuse pour éviter une instabilité économique.
Face à ces défis, Faye devra de surcroit s’assurer d’articuler une stratégie économique qui sera cohérente et qui rassurera à la fois les investisseurs tout en répondant aux besoins pressants de la population en matière d'emploi, de réduction du coût de la vie et de développement durable. La manière dont le nouveau gouvernement abordera ces questions sera cruciale pour l'avenir économique et politique du Sénégal.
L’avenir s’annonce prometteur pour le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye qui incarne la démocratie au Sénégal et un nouveau virage pour le pays aux multiples défis. Ce vendredi 5 avril, le président a présenté son gouvernement, un gouvernement de rupture avec, à sa tête, Ousmane Sonko, opposant de la première heure à Macky Sall.
L'équipe Politique