Elliot Deslauriers, Gabrielle Géli, Yohan Comeau
Le 16 février 2024, le service pénitentiaire fédéral russe (FSIN) du district autonome de Iamalo-Nénétsie, situé en Russie arctique, annonçait la mort d’Alexeï Navalny, principal opposant politique du gouvernement russe actuel. Celui-ci servait une peine de 19 ans pour diverses accusations d’extrémisme. Les causes de sa mort restent vagues et plusieurs jours plus tard, celles-ci n’avaient toujours pas été établies. Également, les autorités ont été accusées par l’opposition de mentir afin de conserver son corps et pouvoir couvrir leurs traces malgré les demandes de sa famille.
De nombreux dirigeants occidentaux ont rapidement réagi, à l’exemple du premier ministre canadien : « Il ne fait aucun doute qu'Alexeï Navalny est mort parce qu'il a tenu tête à Poutine, il a tenu tête au Kremlin. Il a défendu la liberté et la démocratie et le droit du peuple russe à choisir son avenir […] » a déclaré Justin Trudeau.
Avocat de formation, Navalny a passé la majorité de sa vie à se battre contre la corruption dans les organisations étatiques russes. Il est rapidement devenu la figure principale de l'opposition au gouvernement de Poutine, laissant ainsi une empreinte significative sur la politique russe contemporaine et un héritage indéniable.
En aout 2020, Navalny est transféré en Allemagne après avoir été empoisonné au Novitchok, un poison russe développé pendant la guerre froide qui avait déjà été utilisé dans la tentative d’empoisonnement de l’espion double russe Sergei Skripal et sa fille en 2018. De retour en Russie, Navalny est arrêté, car selon les autorités, celui-ci n’a pas respecté les termes de sa condamnation émise à la suite de l’affaire Yves Rocher dans laquelle Navalny était accusé de fraude, ce qui avait été qualifié de « déraisonnable » par la Cour européenne des droits de l’Homme.
En 2022, Alexei Navalny condamne l’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis sa cellule au travers de ses réseaux sociaux ainsi que ses quelques apparitions publiques lors de son procès et son équipe continue son travail sur différents fronts. Peu après, de nombreuses années sont ajoutées à sa peine pour différentes accusations et Navalny comprend qu’il est voué à une condamnation à perpétuité.
Alexeï Navalny n’est cependant pas décédé en vain, cet homme de famille a vécu une carrière politique influente qui laissera des traces dans l’esprit de la population russe et internationale. Avant de trouver sa place comme leadeur national anticorruption, Navalny a eu un chemin politique diversifié. Débutant comme membre d’un parti minoritaire socialiste-libéral, il s’est rapproché en 2007 des idéologies nationalistes. C’est en critiquant ouvertement le gouvernement corrompu de Vladimir Poutine sur internet qu’Alexeï Navalny a gagné sa plateforme populaire.
En 2013, après s’être éloigné du nationalisme en faveur de positions plus progressives, Navalny est vaincu par un candidat nommé et soutenu publiquement par Poutine durant les élections municipales de Moscou. Ces élections marquent le début d’une oppression antidémocratique ciblant Navalny de la part du gouvernement de Poutine. En effet, pour limiter son impact politique, le gouvernement russe a emprisonné Navalny plus de dix fois durant sa carrière. Avant son dernier retour en Russie, des arrestations principalement injustifiées et injustes l’ont forcé à passer plusieurs centaines de journées en prison ou en emprisonnement avec sursis.
Cela n’empêcha pas Alexeï Navalny de se battre contre la corruption de Vladimir Poutine. En 2016, il annonce se présenter à l’élection présidentielle russe de 2018, présentant une plateforme visant à se rapprocher de l’Union européenne et de l’OTAN, il propose également une réforme complète des institutions judiciaires pour promouvoir une démocratie saine et durable. Encore une fois, le leadeur se fait couper l’herbe sous le pied par le gouvernement autoritaire : selon la commission électorale centrale russe, les condamnations passées de Navalny l’empêcheraient de se présenter comme candidat valide aux élections.
Puisqu’il était rendu impossible pour Navalny d’opposer Poutine officiellement sur la scène démocratique, il s’est concentré sur la scène médiatique. Le leadeur de l’opposition gagne une influence importante sur les plateformes russes et internationales. Aujourd’hui, sa chaine YouTube compte plus de 6 millions d’abonnés et produit toujours du contenu critiquant le Kremlin. Son documentaire le plus populaire, décrivant en détail le passé corrompu de Poutine ainsi que ses excès de richesse, compte plus de 130 millions de vues.
Il est clair qu’après chaque article censuré, chaque opposant empoisonné, chaque leadeur incarcéré, la rébellion de la population russe s’attise. Cependant, la balance du pouvoir est bien ancrée dans le palais de Poutine. En mi-mars, le président a remporté sa cinquième « élection » avec 88% des votes, signe ultime de son pouvoir autocratique sur le pays.
Pourtant, le mouvement de Navalny vivra plus longtemps que Navalny lui-même, et il continuera à donner de l’espoir à celles et ceux qui cherchent une démocratie dans leur pays natal. Dans un documentaire paru sur Netflix en 2022, Alexeï Navalny envoie un message à la population russe : « Si on me tue, n’abandonnez pas. Vous ne pouvez pas abandonner. Si ça arrive, ça signifie que nous sommes forts et qu’ils ont peur ». Plusieurs manifestations ont éclaté suite à son décès, et des milliers se sont rassemblés pour ses funérailles. Sa veuve, Ioulia Navalnaïa, désire poursuivre son œuvre : « Je ne sais pas comment vivre sans toi, mais je vais essayer de te rendre heureux de là-haut et fier de moi. Je ne sais pas si je peux le faire, mais je vais essayer ». Alexeï Navalny était fier de sa nation et lui a donné sa vie. Aujourd’hui, il laisse un message d’espoir pour les Russes qui croient en la démocratie.
L'équipe Politique