Avec une démographie vieillissante et un marché immobilier instable, la Chine se situe dans une période économique plus difficile depuis quelques années. En effet, la Chine semble être sur une pente descendante, que ce soit avec l’effritement de leurs relations d’affaires ou bien la politique interne du pays qui laisse à désirer. Il s'avère donc pertinent de se demander s’il existe actuellement un pays qui pourrait non seulement concurrencer avec la Chine, mais aussi la détrôner de son rôle de leader économique d’Asie. Un de ses voisins du Sud pourrait venir brasser les cartes dans les prochaines années. Ayant connu une croissance fulgurante dans les dernières années due à une augmentation de sa population et un apport technologique important, l’Inde pourrait venir s’inviter à la danse économique globale. L’Inde aura-t-elle les ressources nécessaires pour combler le vide laissé par la Chine si ses déboires économiques continuent? Les ressources sur lesquelles l’Inde pourrait capitaliser seraient les ressources humaines, technologiques, physiques et naturelles.
Capital humain
La théorie macroéconomique affirme que la croissance à court terme peut être atteinte en augmentant l’épargne et en accumulant du capital physique, mais que la croissance à long terme ne peut être obtenue que grâce aux facteurs technologiques et au capital humain.
Le capital humain est défini comme la valeur économique intangible de l’expérience et des compétences d’un travailleur. Cela regroupe l’éducation, les compétences, la créativité, la santé et la connaissance. Bien que l’Inde ait connu une croissance considérable au cours de la dernière décennie, elle doit encore investir dans l’éducation. Selon le Hindustan Times, le taux brut de scolarisation dans l’enseignement supérieur des jeunes adultes indiens s’élevait à 31,3 % en 2021. En comparaison, les États-Unis ont un TBS de 87,6 % en 2020 et de 63,6 % pour les étudiants chinois en 2021.
L’Inde dispose donc encore d’une marge considérable pour améliorer son TBS, ce qui contribuera à la croissance à long terme. Grâce à une étude menée par Vyacheslav Volchik, Anna Oganesyan & Tadeusz Olejarz, il semble y avoir « une corrélation entre les rendements de l’enseignement supérieur et les performances socio-économiques individuelles »
L’enseignement collégial « fournit une plus grande offre de main-d’œuvre instruite » et contribue à « fournir davantage d’innovations », ce qui à son tour augmente les progrès technologiques tels que les brevets.
En matière de brevets, l’Inde est également à la traîne. En effet, l’Inde n’a soumis qu’environ 60 000 demandes de brevet en 2021, contre 591 000 aux États-Unis et un chiffre stupéfiant de 1,58 million de demandes de brevet en 2021.
Par conséquent, le faible taux brut d’inscription dans l’enseignement supérieur et le faible taux de dépôt de brevet en Inde démontrent que l’Inde, bien que connaissant une croissance rapide, a encore un long chemin à parcourir avant de véritablement faire concurrence à la Chine ou les États-Unis. L’Inde doit augmenter le niveau d’éducation global de ses citoyens pour promouvoir l’innovation, ce qui entraînera un taux de croissance plus élevé pour l’économie du pays, grâce auquel la prospérité en découlera.
Capital technologique
Lorsqu’on se penche sur le développement du capital technologique en Inde, il est indubitable que celui-ci est en essor. En effet, l’Inde est le centre mondial des services de technologie de l’information par « Business Process Outsourcing ». Selon Ernst & Young, lors de l’année fiscale 2021-2022, l’Inde a encaissé 151 milliards de dollars américains par l’exportation de ces services. De plus, le géant asiatique a vu s’installer plus de 1500 centres à capacité globale de grandes corporations sur son territoire en date de septembre 2022. Cela indique un développement important des avancements technologiques en Inde et de la formation des futurs leaders de l’industrie. Pour donner davantage de perspective, 45 % des centres ayant une capacité globale (CCG) décentralisée des grandes corporations mondiales se trouvent en Inde ; 50 % à 70 % de la main-d’œuvre mondiale spécialisée en technologie de l’information dans ces CCG proviennent de l’Inde.
Mais encore, le développement de diverses plateformes et systèmes informatiques tels que Baharat Interface for Money (BHIM) et India stack permettra de potentiellement remodeler le monde numérique transactionnel lorsque ces interfaces seront popularisées mondialement. D’un côté, il y a BHIM, une interface de paiement unifiée permettant à des échanges de capitaux de se faire entre des comptes de banque ne provenant pas de la même interface de paiement unifiée. D’ailleurs, cette plateforme permet à des transactions de s’exécuter sans téléphone et simplement par la voie numérique, au point d'être accessible et utilisable sur un réseau 2 G. D’autre part, le développement d’India Stack, une série de systèmes sécurisés et connectés, permet de stocker toutes sortes d’informations provenant de documents officiels tels des données médicales, des relevés de paie ou des relevés fiscaux. Cette plateforme permettra de grandement faciliter l’accès à l’information, à des transactions ou à l’échange de documents officiels pour des gouvernements, des particuliers ou des entreprises.
Du point de vue de la pénurie internationale de semi-conducteurs que l’on retrouve dans nos appareils électroniques, l’Inde semble aussi tenter de se placer dans une position avantageuse pour la production de ces objets tant convoités. Le premier ministre Modi a, en outre, récemment annoncé en septembre, être prêt à offrir 10 milliards de dollars américains en subventions pour des entreprises travaillant sur le développement de ces semi-conducteurs. Il mentionne être prêt à subventionner 50 % à 70 % de toutes dépenses des compagnies émises dans l’objectif de développer ses appareils. Des multinationales minières telles Vedanta se sont réjouies de cette déclaration annonçant l’arrivée de semiconducteurs faits en Inde d’ici 2025.
Capital physique
Durant cette période de croissance pour l’économie indienne, il est impératif de prendre en considération le développement du capital physique. Selon le Ministre des Finances de l'Inde, ils auraient dépensés 120 milliards de dollars US en dépenses de capital physique pour l’année fiscale, terminant en mars 2024 et dépensera 1,5 trillion durant la prochaine décennie. Bien que la majorité des investissements soit financée par le gouvernement indien, environ 22 % de la somme totale proviendrait de firmes privées telles que Blackstone. Les investissements permettent de construire des autoroutes, des chemins de fer et des aéroports.
D’après S&P Global Ratings, les investissements en infrastructures impactent positivement différents secteurs du pays tel que l’industrie du ciment, de l’acier et des véhicules commerciaux. Cela engendrait un effet multiplicateur selon lequel l’attribution de 1 % du PIB réel à ces dépenses devrait stimuler le PIB de l’Inde d’au moins le double de ce pourcentage.
Toutefois, l’Inde est en retard sur les autres pays concernant le développement du capital physique. À court terme, les ressources déployées pour le développement semblent davantage destinées à résoudre le déficit d’infrastructure qu’à générer une occasion de croissance exponentielle. Sur le long terme, l’Inde se dirige vers une trajectoire visant à rejoindre les rangs des principales puissances économiques mondiales, en compagnie de la Chine et des États-Unis.
L’Inde et ses commodités
D’emblée, pour que l’on perçoive un pays comme étant une puissance mondiale, il doit être en mesure de prouver que sa productivité économique est solidement supportée par son importance sur l’économie mondiale soit, par ses exportations et importations. Atteindre le rôle d’importante puissance mondiale est une tâche fastidieuse ; savoir le maintenir l’est encore plus. En effet, plusieurs facteurs posent un risque au maintien de ce rôle.
Afin de démanteler ces contraintes à la réussite, il est important, entre autres, d’assurer l’accès aux ressources nécessaires pour soutenir une telle croissance. En ce qui a trait aux commodités, l’Inde sait rivaliser avec ses compétiteurs. Tirant avantage de ses sols riches en minéraux, l’industrie minière de l’Inde s’est beaucoup développée et produit plusieurs minéraux tels que, le fer, le chrome, le manganèse, la bauxite, la baryte, et d’autres. D’ailleurs, plusieurs minéraux figurant sur cette liste sont considérés comme des minéraux critiques à certains secteurs ; notamment, les technologies de l’information et des communications et les technologies propres. L’Inde a su exploiter cette richesse minière et est parvenue à devenir l’un des plus grands fabricants d’électronique au monde ; chahutant même la Chine au côté de l’Indonésie et du Vietnam.
Cependant, l’Inde fait face à un défi de taille qui cause un ralentissement de sa croissance économique et un possible frein à son développement à long terme. Le coupable ? Son apport en énergie propre et renouvelable. De fait, n’ayant pas accès à de nombreux points d’eau où la production d’hydroélectricité est possible, l’Inde se fit majoritairement au charbon pour sa production d’électricité. Bien que des millions de ménages soient toujours dépourvus d’électricité, fournir de l’énergie à une population aussi nombreuse et alimenter une croissance industrielle aussi forte nécessite une quantité énorme de charbon. Ce n’est donc pas sans raison que l’Inde doive combler 30 % de son utilisation de charbon en important ; elle ne détient que 8,3 % des réserves mondiales.
Finalement, il a été mentionné que la force d’une puissance mondiale est démontrée selon ses exportations et ses importations. Or, l’Inde n’a pas su, au courant des dernières années, prouver qu’elle était capable d’exporter plus que ce qu’elle importe. Avec une balance commerciale négative de 24,2 G USD en 2023 et un historique de balances commerciales négatives comme le présente le graphique, l’Inde se retrouve dépendante de pays étrangers pour sa production intérieure, limitant ainsi sa productivité économique.
Il est évident que l’Inde est dans une position avantageuse pour devenir une puissance mondiale pouvant rivaliser avec le contrôle de la Chine. Cependant, celle-ci n’est pas à court d’obstacle pour atteindre ce but. Suite à un possible déclin de la Chine au cours des années qui suivront l’Inde sera définitivement de la partie, mais ne sera clairement pas la seule. Plusieurs pays comme le Mexique, la Pologne et le Brésil tentent de rentrer dans la course à la croissance économique.
L'équipe Économie Mondiale