Matis Patenaude, Fatine Moumni, Frédéric Nadeau
Dans le contexte d'une économie américaine en constante évolution et sous le regard attentif des régulateurs du marché, plusieurs développements récents captent l'attention en raison de leur influence potentielle sur la santé économique globale.
Au cœur de cette dynamique se trouve la Réserve fédérale, dont les décisions entraînent des répercussions considérables sur le taux d'emploi et sur l'économie dans son ensemble.
Situation économique actuelle
À l'heure actuelle, le comité fédéral du marché ouvert, l’organe de décision en matière de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, a maintenu ses taux directeurs inchangés lors de sa dernière réunion en janvier, les maintenant fermement entre 5,25% et 5,50%.
Cette décision, prise en juillet, reflète une volonté de stabilité face aux défis économiques en cours et intervient dans un contexte où l'inflation reste une préoccupation majeure.
Toutefois, « alors que la Fed freine l'économie, la politique fiscale établie par le gouvernement pousse sur l'accélérateur ». En effet, les Bureaux du budget du Congrès pour l'année fiscale 2023 ont révélé un déficit fédéral de 2 billions de dollars, soit 1 billion de plus qu’en 2022. On lie notamment ce déficit aux réductions d’impôts, initialement mises en œuvre lors de périodes de contrôle républicain au cours des 25 dernières années. Celles-ci ont considérablement réduit les recettes fédérales, contribuant, par le fait même, à l’augmentation substantielle de la dette nationale. Par conséquent, ces réductions d'impôts, notamment celles de l'ère Bush et leur prolongation, ainsi que celles de l'ère Trump, sont responsables de 57 % de l'augmentation du ratio dette/PIB depuis 2001. Cependant, cette politique fiscale permet d’expliquer plus de 90 % de cette augmentation si l’on ne prend pas en compte les coûts ponctuels des lois en réponse à la COVID-19 et à la Grande Récession. Ces mouvements majeurs suscitent des préoccupations quant à la viabilité fiscale à long terme et au potentiel des pressions inflationnistes.
En février 2024, toujours supérieure à l’objectif de la Fed de 2%, l'inflation aux États-Unis s'établissait à 3,09%, en comparaison avec 3,35% en décembre 2023 et 6,45% en 2022.
Avec l'inflation persistante et les décisions de politique monétaire et fiscale en cours, l'économie américaine se trouve à un carrefour crucial où l'augmentation du taux d'emploi pourrait jouer un rôle déterminant dans la direction future de la croissance économique.
Augmentation du taux d’emploi
Dès le mois de janvier, le gouvernement américain a annoncé, selon un sondage soumis à la population américaine, que le taux d’emploi a subi une croissance supérieure à celle des deux dernières années. En effet, plus de 353 000 emplois ont été rajoutés par les employeurs. Il s'agit du chiffre le plus élevé depuis un an et près du double de ce qu'attendaient les économistes interrogés par le Wall Street Journal, qui prédisaient 176 500 nouveaux emplois. De même, c’est la première fois depuis la fin des années soixante que le taux de chômage national américain est inférieur à 4% plusieurs années consécutives. Actuellement, le taux de chômage de 3,7 % rapporté en décembre 2023 et janvier 2024 est seulement légèrement plus élevé que le récent point bas du chômage de 3,4 % en avril 2023.
Le sondage affirme aussi que les salaires horaires moyens ont monté de 4,5% comparé à l’année précédente, contre 4,3% le mois précédent. En chiffre, cela représente une augmentation de 19 cents pour une moyenne de 34,55$. « Cela augmente le risque que la croissance des salaires nominaux ne retombe pas à des niveaux compatibles avec la réalisation de l'objectif d'inflation sur une base durable, d'autant plus que le taux de participation à la population active refuse d'augmenter davantage », a écrit Brian Coulton1, l’économiste en chef de Fitch Ratings. « La croissance des salaires à ce rythme, dans un marché du travail aussi tendu, est un problème pour la Fed ». En effet, c’est la croissance la plus rapide depuis septembre 2023. Cette augmentation rapide reflète la rigueur et la tension du marché de l’emploi.
Réaction de la Réserve Fédérale
En fait, les salaires augmentent plus rapidement que l'inflation, or les travailleurs bénéficient désormais d'une augmentation réelle. Plus précisément, les salaires ont augmenté de 1 % en décembre par rapport à l'année précédente. Or, c’est ultimement bon pour l’Américain typique, mais un mal de tête pour la Fed.
Ainsi, la Fed indique qu’une politique monétaire stricte est nécessaire pour assouplir le marché de l’emplois, afin d’enlever la pression sur les salaires. Plus précisément, la Fed affirme que ne pas mettre de pression sur le marché du travail et en continuant les mêmes progrès sur l’inflation, les risques d’arriver à l’objectif d’inflation de 2% s’équilibrent de plus en plus.
La croissance des salaires est supérieure à la marge de 3,0 % à 3,5 % que la plupart des responsables politiques considèrent comme compatible avec l'objectif d'inflation de 2 % de la banque centrale américaine. Cela vient confirmer l'opinion selon laquelle la Fed n'interviendra pas rapidement pour réduire les coûts d'emprunt. Or, il est très probable que la Fed gardera les taux d’intérêt élevés. En effet, la Fed assure que leur position restrictive sur la politique monétaire exerce une pression à la baisse sur l’inflation et les activités économiques du pays.
De plus, les marchés financiers considèrent désormais qu'il y a moins de 60 % de chances que la Fed réduise ses taux. En effet, la valeur du dollar américain a augmenté, car les investisseurs s'attendent désormais à ce que l'écart de taux d'intérêt entre les États-Unis et les autres pays se creuse ou reste élevé.
Répercussion sur l’économie américaine
« C'est déroutant pour les gens, et à juste titre […] Comment un grand nombre d'emplois pourrait-il être mauvais pour l'économie ? » 2
-Betsey Stevenson, professeure de politique publique et d'économie, Université du Michigan.
Une augmentation du taux d’emploi implique une diminution du taux de chômage, causant ainsi, selon la courbe de Phillips, une possible augmentation de l’inflation. En effet, une augmentation du taux d’emploi stimulerait potentiellement le pouvoir d'achat des consommateurs, ce qui permet une croissance continue des dépenses de consommation, influençant le taux d’inflation. Cette hausse inciterait le gouvernement à prendre des mesures pour la contrôler, mais cela pourrait aussi réduire le taux de chômage et ainsi déclencher une récession.
D’un autre point de vue, lorsque l'économie est robuste et que le chômage est faible, les entreprises augmentent généralement les salaires pour attirer et retenir les travailleurs, ce qui peut, à son tour, entraîner une augmentation de l'inflation.
Toutefois, la relation entre le taux de chômage et l’inflation est devenue moins prévisible ces dernières années, ce qui complique la tâche des décideurs politiques d'équilibrer ces deux facteurs.
En plus, il existe toujours un déséquilibre important entre le nombre d'offres d'emploi et le nombre de personnes à la recherche d'un emploi, avec plus de 1,5 emploi disponible pour chaque personne au chômage. Cette situation souligne la robustesse du marché du travail, ce qui peut avoir des implications importantes pour l'économie dans son ensemble.
Cependant, une diminution du taux de chômage signifie aussi la diminution des dépenses gouvernementales liées au soutien des chômeurs, ce qui libère des ressources budgétaires pour d'autres besoins ou investissements.
Une enquête de la Réserve fédérale de Philadelphie auprès de 34 prévisionnistes prévoit une expansion de l'économie à un taux annuel de 2,1 % ce trimestre, en hausse par rapport à la prévision de 0,8 % de la dernière enquête. Cela vient aussi avec une révision à la baisse du taux de chômage prévu pour atteindre 4,0 % au quatrième trimestre de 2024.
L'équipe Économie mondiale