Retour sur l’évolution du débat autonomiste au Québec, une « troisième voie »
- marchesglobauxhec
- Feb 17
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Samuel Martin et l’équipe politique
Ce 28 janvier dernier, François Legault annonçait avoir confié à son ministre de la justice, Simon Jolin-Barrette, la rédaction d’une « loi fondamentale du Québec »; soit d’élaborer les modifications que son gouvernement souhaite apporter à la constitution canadienne, suivant les recommandations du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne.
Ce comité, dont la création avait été annoncée par le premier ministre en juin dernier, avait pour mandat d’élaborer ce que M. Legault appelle une « troisième voie » dans le courant autonomiste québécois, n’envisageant de recourir ni à une renégociation de la constitution canadienne ni à la séparation pour atteindre ses objectifs. Seules les voies déjà permises sous l’actuelle constitution ont pu être explorées.
Le rapport recommande d’utiliser la « loi fondamentale du Québec », soit la portion de la constitution canadienne qui concerne exclusivement la province de Québec, que le gouvernement provincial peut modifier sans l’accord du fédéral dans le but d’affirmer son autonomie face à Ottawa et d’adopter la posture d’une « nation moderne et décomplexée, capable de s’adapter aux changements tout en préservant son essence ».
C’est à la suite d'une série de conflits ayant opposés les deux niveaux de gouvernement, notamment au sujet de l’accueil des demandeurs d’asile et des transferts en santé, que le gouvernement québécois avait fait savoir son intention d’utiliser la constitution canadienne pour défendre ses champs de compétence face à des ingérences du fédéral, ainsi que pour affirmer la spécificité linguistique et culturelle de la province.
Lors de la création de la fédération canadienne en 1867, les quatre membres d’origine, l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont délégué une partie de leur pouvoir à un nouveau gouvernement fédéral. Si cette division a été revisitée et renégociée lors du rapatriement de la constitution canadienne en 1982, les compétences du gouvernement fédéral, sur papier, englobent surtout la gestion du commerce, la gestion des frontières, les relations internationales, etc. Alors que les compétences provinciales ciblent des fonctions plus proches de la population, comme la santé et l’éducation.
Si les griefs du gouvernement caquiste contre le fédéral au sujet de la langue et de la culture s’expliquent par le contexte ethnolinguistique particulier à la province, la question des transferts aux provinces, elle, est pertinente à l’ensemble de la fédération. Car même si la santé, comme l’a réitéré M. Legault en juin dernier, est une compétence provinciale, son financement dépend en partie du gouvernement fédéral.
En effet, le pouvoir fédéral de dépenser a permis à Ottawa d’obtenir un revenu largement supérieur à ses dépenses, ce qui fait en sorte qu’il transfert aux provinces une portion significative de ses revenus afin de financer leurs compétences. Cela permet au gouvernement fédéral d’influencer les politiques provinciales, par exemple, en attachant des conditions aux transferts.
À travers ce débat s’entrechoquent deux perspectives différentes sur l’essence de la fédération canadienne. Celle du Parti libéral du Canada, qui donne au gouvernement fédéral la responsabilité de décider des grandes lignes de la politique canadienne et de déléguer la gouvernance locale aux gouvernements provinciaux, un peu à l’image d’un État unitaire comme la France. Cette position s’appuie entre autres sur une volonté de garantir une distribution relativement égale des richesses à travers la fédération et est généralement appuyée par les provinces moins industrialisées et riches en ressources naturelles telles Maritimes et le Manitoba. À cela s’oppose la position des principaux partis politiques québécois, où le pouvoir du gouvernement fédéral découle des provinces et est exercé en leur nom, une position généralement partagée par les provinces les plus riches, capables de garantir un niveau de vie élevé sans l’aide des politiques de redistribution qu’elles subventionnent largement.
Samuel Martin et l’équipe politique