Syrie : de la dictature à la démocratie. Une transition sous haute tension
- marchesglobauxhec
- Feb 28
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Carla Moussu et l’équipe politique
Il y a deux mois, Hayat Tahrir al-Cham (HTS), un groupe listé comme terroriste par certains pays incluant les États-Unis et le Canada, a pris le contrôle de la Syrie après la chute de Bachar el-Assad. Aujourd’hui, le pays s’engage dans une réouverture diplomatique inédite, cherchant à briser son isolement international.
Mais cette transition est-elle réellement une avancée vers la démocratie ou simplement une nouvelle phase d'instabilité ?
Un pays marqué par des décennies de répression
L’un des événements les plus symboliques de cette nouvelle ère en Syrie a été l’ouverture de la prison de Saidnaya, un centre de détention tristement célèbre sous le régime d’el-Assad. Pendant plus de deux décennies, d’innombrables atrocités y ont été commises. Aujourd’hui, les familles viennent chercher des réponses sur le sort de leurs proches disparus, mais certains restent introuvables, voire ensevelis.
Un pouvoir en quête de légitimité
Depuis la prise de Damas par HTS, les nouveaux dirigeants cherchent à amorcer une transition vers un modèle plus démocratique, dans l’espoir d’obtenir une reconnaissance internationale. L’enjeu est double :
Se faire retirer de la liste des organisations terroristes pour lever les sanctions économiques.
Convaincre les pays occidentaux de soutenir la reconstruction du pays.
Si cette ouverture est présentée comme un tournant politique et social, ses motivations intrinsèques pourraient-être en grande partie économiques. La levée des sanctions étant essentielle à la survie du régime.
Dans cette optique, plusieurs gestes symboliques forts ont été posés :
Voyages diplomatiques : Des délégations syriennes se sont rendues en France, au Qatar et en Turquie pour négocier un soutien politique et économique.
Retour des relations internationales : Pour la première fois depuis très longtemps, la Syrie a accueilli des représentants étrangers venus évaluer la situation sur place.
Discours inclusif : Le régime met en avant une gouvernance plus représentative et des réformes en faveur des minorités.
Cependant, ces efforts suffisent-ils pour garantir une stabilité politique à long terme ?
Une démocratie possible ou un régime fragile ?
La transition démocratique en Syrie reste incertaine. HTS affirme vouloir instaurer un gouvernement plus représentatif, mais les obstacles sont nombreux. Sa reconnaissance internationale reste fragile, ses liens passés avec Al-Qaïda alimentant la méfiance des grandes puissances. L’absence d’institutions solides rend difficile la mise en place d’un véritable État de droit, tandis que les tensions sécuritaires persistent, notamment avec les forces pro-Assad, les Kurdes et d’autres factions armées. Mais au-delà de ces défis internes, les rivalités géopolitiques internationales joueront un rôle déterminant dans l’avenir du régime.
Un échiquier géopolitique
La Syrie est un point de friction stratégique entre plusieurs acteurs majeurs, chacun poursuivant ses propres intérêts :
La Turquie, préoccupée par la présence des forces kurdes à sa frontière, cherche à affaiblir toute entité kurde autonome tout en maintenant une influence en Syrie.
Les Kurdes, alliés des États-Unis, redoutent de perdre le soutien occidental et de subir une offensive turque dans le nord du pays.
La Russie, autrefois pilier du régime d’el-Assad, doit recalculer son influence en Syrie, notamment face à la présence américaine et turque. Moscou cherche à préserver ses bases militaires et son rôle d’arbitre régional tout en évitant que Washington ne renforce sa position.
L’Occident, bien que prudent, conditionne toute coopération avec la Syrie à des garanties démocratiques et à une réduction de l’influence russe et iranienne. Les puissances européennes et les États-Unis restent en retrait, mais surveillent de près l’évolution du régime.
Dans ce contexte, HTS doit jongler entre des intérêts divergents, cherchant à asseoir son autorité sans provoquer de rupture avec les puissances influentes. Chaque acteur défend ses propres objectifs, évitant un engagement trop direct qui pourrait compromettre son influence régionale. HTS peut tenter un rapprochement avec l’Occident pour accéder aux investissements et à l’aide internationale, mais cela nécessiterait des garanties politiques qu’il n’est pas certain de pouvoir offrir. À l’inverse, renforcer ses liens avec la Russie et la Turquie pourrait stabiliser sa position militaire et stratégique, mais au risque de prolonger les sanctions économiques et d’alimenter la méfiance occidentale. La question reste entière : la Syrie parviendra-t-elle à s’intégrer dans l’ordre international ou restera-t-elle un champ de tensions et de rivalités ?
Quel avenir pour la Syrie ?
Les prochains mois seront décisifs pour la légitimité et stabilité du régime : HTS doit encore prouver que la Syrie peut devenir une démocratie et ensuite s’intégrer à la diplomatie mondiale.
L’histoire montre que les régimes autoritaires finissent par tomber, mais que la transition vers un modèle stable est longue et incertaine. La Syrie est aujourd’hui à une croisée des chemins : soit elle devient un exemple de résilience politique, soit elle retombe dans l’isolement et le chaos.
Carla Moussu et l’équipe politique