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Wall Street en 2024 : Entre espoir et prudence financière

Clara Labelle, Zachary St-Jean, Gaëtan Combettes



Plongée dans l'univers de Wall Street

Au sein de l’écosystème financier en mouvement perpétuel, une note d'espoir se fait entendre alors que les projections suggèrent une possible atténuation de l'inflation, mais aussi des taux d’intérêt dans les mois à venir. Cette perspective apporte un certain soulagement aux acteurs de Wall Street qui guettent avec attention les signes de stabilisation des prix. Une diminution de l'inflation serait accueillie favorablement, atténuant les craintes d'une pression continue sur les marges bénéficiaires des entreprises et redonnant de l'élan à la confiance des investisseurs.

 

Cette réduction anticipée de l'inflation pourrait être interprétée comme une réponse potentielle aux politiques monétaires envisagées par les autorités financières. En effet, après une campagne agressive de la Fed afin de refroidir la plus grande économie mondiale en augmentant les taux d’intérêt 11 fois de suite, les décideurs ont laissé les taux inchangés entre 5,25 % et 5,50 %, leur plus haut depuis 22 ans. Par conséquent, cela pourrait présager une réduction des taux d’intérêt prochainement, même si le Comité monétaire reste très prudent, comme en témoigne sa volonté d’avoir « davantage confiance » dans une baisse durable de l’inflation avant d’envisager des baisses de taux.

 

Toutefois, la perspective d'une baisse des taux d'intérêt et d'une croissance soutenue en 2024 a permis à l'indice boursier S&P 500 d'atteindre un niveau record vendredi 19 janvier. L'indice de référence a terminé la journée de vendredi à 4 839,81 points, dépassant ainsi son précédent record de clôture de 4 796,56 points atteint le 3 janvier 2022. Au cours de la séance, il a également atteint un record intra-journalier de 4 842,07. Ce nouveau record de clôture a confirmé que le S&P 500 se trouve dans un marché haussier depuis octobre 2022.

 

Par ailleurs, un ralentissement de l’inflation se fait attendre comme le montre l’indice des prix à la consommation dit « de base » – une mesure qui n’inclut pas les prix volatils des produits alimentaires et de l’énergie – qui a ralenti à un taux annuel de 3,9% en décembre, contre 4 % le mois précédent. Dans cet espoir, le S&P 500 continue de progresser début 2024 après une hausse de 24 % à la fin de l'année 2023.

 

En outre, l'interaction entre les actions et les rendements des bons du Trésor a été un moteur essentiel des mouvements du marché au cours des deux dernières années. Les rendements ont grimpé en flèche lorsque la Fed a commencé à relever les taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation et ont fini par atteindre leur plus haut niveau depuis 16 ans en octobre 2023, alors que les inquiétudes budgétaires ont également exacerbé la chute des obligations d'État américaines.

 

Un autre facteur central affectant Wall Street est les guerres, notamment celle en Ukraine. En effet, cette dernière provoque une instabilité géopolitique et économique affectant les marchés mondiaux. Cette confrontation contribue à l'augmentation des prix de l'énergie, la Russie étant un fournisseur majeur de gaz et de pétrole. Ainsi, cela contribue à l'inflation globale, augmentant les coûts pour les entreprises et les consommateurs. De plus, les sanctions économiques imposées à la Russie et les contre-mesures ont perturbé les chaînes d'approvisionnement, affectant les entreprises mondiales. Sur Wall Street, les secteurs liés à l'énergie ont pu bénéficier des prix plus élevés, tandis que d'autres secteurs, comme la fabrication et la technologie, ont été négativement impactés par les perturbations des chaînes d'approvisionnement et l'augmentation des coûts.

 

Ainsi, les décideurs politiques, cherchant le moment opportun pour commencer à réduire les coûts d’emprunt, surveillent attentivement l’évolution des prix dans la plus grande économie mondiale. Leur objectif est de réaliser ce qu’on appelle un « atterrissage en douceur », une situation où la croissance des prix se stabiliserait sans entraîner l’économie dans une récession.

 

La dynamique financière et son influence sur les transactions

Le paysage financier actuel a conduit à une diminution notable des activités sur le marché des banques d'investissement. Avec moins d'entreprises engageant des fusions, lançant des introductions en bourse (IPOs), ou émettant de nouvelles obligations, les bonus des banquiers de Wall Street sont en déclin, poursuivant la tendance décevante de l'année précédente. Cette année, les bonus dans le secteur de la banque d'investissement ont connu une réduction allant jusqu'à 25%. Le total des frais générés par le secteur a chuté à un plancher de 67 milliards de dollars en 2023, marquant le niveau le plus bas depuis plus d'une décennie et représentant seulement la moitié des revenus générés deux ans auparavant, selon Dealogic.

 

Les transactions de grande envergure, définies par une valeur supérieure à 5 milliards de dollars, ont aussi diminué de 60 %, tombant de près de 150 transactions en 2021 à moins de 60 en 2023, malgré un regain d'intérêt récent dans les médias. Les deux opérations majeures de 2023 concernaient le secteur de l'énergie, avec les acquisitions de Pioneer par Exxon pour 59,5 milliards de dollars et de Hess par Chevron pour 53 milliards de dollars. Face à ces défis, d'importantes sociétés de capital-investissement, telles que le Groupe Citi, Goldman Sachs, et Morgan Stanley, ont été contraintes de réduire leur effectif de plusieurs milliers de postes.

 

Cependant, les dirigeants bancaires soulignent que les attentes élevées des employés en matière de bonus découlent du pic d'activité transactionnelle de 2021. Ils considèrent les bonus récents comme reflétant un retour à une norme plus soutenable. Les cadres supérieurs sont optimistes pour 2024, notant une reprise graduelle de l'activité sur les marchés financiers. Neil Blair, président de Financement corporatif chez KPMG Inc., anticipe un regain de confiance dans l'économie et une baisse des taux d'intérêt, propices à une relance du marché transactionnel. De plus, Brian Lévy, leader du secteur des transactions mondiales à PwC, indique que les signaux pointent vers une reprise des fusions et acquisitions, marquant potentiellement la fin d'un des pires marchés baissiers de la décennie dans ce secteur. Malgré l'incertitude quant à la vitesse et à la force de cette reprise, due à des défis macroéconomiques et géopolitiques, un tournant semble avoir été atteint. Une tendance ascendante dans les activités de fusions et acquisitions est anticipée dans les secteurs comme l'énergie, la technologie, et la pharmaceutique.

 

Panorama des acquisitions, IPOs et fusions récentes

Ces tendances positives sont soutenues par plusieurs entreprises dans le secteur de l’énergie telles que Plains All American Pipeline. Cette entreprise, fondée en 1981 à Houston, au Texas, et cotée en bourse sur le Nasdaq, produit en moyenne plus de 7 millions de barils de pétrole brut et de liquides de gaz naturel par jour. Avec une anticipation d’une production record de pétrole brut d’ici la fin de l’année, Al Swanson, le directeur financier, explique qu’ils sont « optimistes quant à [leur] succès dans l’acquisition de quelques entreprises complémentaires. » Par ailleurs, toujours dans le secteur de l’énergie, Sunoco LP, conseillé par Truist Securities, acquiert NuStart Energy, représenté par Barclays, dans une transaction d’une valeur de 7.3 milliards de dollars. Dans le cadre d’une stratégie d’acquisition verticale, Sunoco a pour objectif d’augmenter sa stabilité par la diversification, d’améliorer ses fondations financières et de faire croître l’entreprise. Cette dernière acquisition contribue à la hausse des transactions dans le secteur de l’énergie.


Dans le secteur pharmaceutique, la multinationale suisse Novartis acquiert MorphoSys, une entreprise de biopharmacie allemande, dans une transaction d’une valeur de 2,9 milliards de dollars (USD). Le but de la transaction repose sur le pelabresib, un médicament en phase de développement fabriqué par MorphoSys pour traiter certains types de cancers tels que la myélofibrose. Selon un analyste de Bloomberg, il y a 70 % de chances que ce médicament expérimental atteigne 1 milliard d’euros en revenus, ce qui serait très bénéfique pour l’entreprise.


Du côté des introductions en Bourses (IPO), la filiale d’ENI, Plenitude, qui est la branche dédiée aux énergies renouvelables, envisageait de lancer son IPO en 2022 avec une valorisation de 7,5 milliards d’euros. Cependant, elle a choisi de s’abstenir en raison de la hausse des taux d’intérêt et du contexte économique, comme mentionné précédemment. Cependant, à la fin de 2023, ENI annonce qu’ils vendront au minimum 9% de Plenitude à EIP par une contribution en capital d’une valeur pouvant atteindre 700 millions d’euros, et qu’ils envisagent de coter l’entreprise en 2024.

 

Perspectives pour le secteur bancaire en 2024

Le contexte économique de 2023, caractérisé notamment par la hausse des taux d’intérêt, a eu un impact significatif sur les opérations des banques d’investissement. Les introductions en bourse (IPO) et les activités dans le domaine des fusions et acquisitions ont considérablement diminué, ayant un impact sur les bonus des banquiers. Cependant, le début de 2024 voit une possible atténuation des taux d’intérêt, ayant un effet positif sur les marchés des capitaux. Ce regain de positivité semble partagé sur les marchés, soutenu par KPMG qui anticipe un regain de confiance dans l’économie. Plusieurs entreprises telles que Plains All American Pipeline, Sunoco et Novartis semblent reprendre peu à peu leurs activités d’investissement. Il reste néanmoins à voir si ces tendances se maintiennent. Certains indicateurs peuvent nous laisser penser le contraire, tels que la courbe des taux inversée, couramment utilisée comme signal prédictif de récession, et une augmentation de 136% des licenciements en janvier par rapport à décembre 2023 aux États-Unis.


L'équipe des Marchés des Capitaux - Banque d'investissement

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